Au diable la pandémie!
Revue trimestrielle
Revue trimestrielle
Contre toutes attentes, les bourses mondiales ont connu une excellente année 2021. La bourse canadienne est en hausse de 25,1% et l’indice S&P 500 de la bourse américaine de 27,7% en CAD, dividendes inclus.
Depuis leurs sommets pré pandémiques de février 2020, les bourses canadienne et américaine sont en hausse de 39% et 45%, respectivement. Quant à l’investisseur mal avisé qui a liquidé son portefeuille d’actions dans le creux de la vague en mars 2020 – et est resté en touche depuis – il a manqué des rendements de 99% au Canada et 119% aux États-Unis.
Comment expliquer un tel comportement des marchés boursiers alors que le monde vit sa pire crise sanitaire depuis plus d’un siècle et que, de façon intermittente, des pans entiers de l’économie ont été paralysés depuis 2 ans? Deux grands facteurs ont contribué à cette performance.
Ultimement, c’est la capacité des entreprises à générer des profits aujourd’hui et dans le futur qui détermine la valeur de leurs actions en bourse. Or, les profits estimés pour 2021 des entreprises du S&P 500 sont 26% plus élevés que ceux de 2019. Et c’est sans compter les estimations astronomiques de profits futurs dans certains domaines comme la technologie et les véhicules électriques (e.g., Tesla).
Ce qu’on n’avait pas compris en mars 2020 est que – bien que la pandémie soit une calamité pour beaucoup d’entreprises de services – les consommateurs réallouent en masse leur budget de dépenses vers des achats de biens. C’est cet accroissement soudain de la demande pour toutes sortes de biens de consommation qui provoque des ruptures de stocks et une résurgence de l’inflation, et qui dope les profits des entreprises.
Les gouvernements et les banques centrales ont uni leurs efforts en 2021 afin d’aider les ménages et les entreprises à passer à travers la crise sanitaire et les périodes de confinement.
Alors que les gouvernements se sont lourdement endettés – le Gouvernement du Canada a dépensé des dizaines de milliards en mesures de soutien aux ménages et aux entreprises – paradoxalement, beaucoup de consommateurs se sont retrouvés avec plus d’argent qu’avant la crise. En fait, selon The Economist, les Américains auraient accumulé 2,5 trilliard de plus depuis le depuis le début de la pandémie qu’ils ne l’auraient fait en temps normal. Comme il est difficile, voire impossible de dépenser tout cet argent en sorties et en voyages (hormis pour quelques Ostrogoths envolés vers Cancun!), on achète plutôt des skis et des motoneiges, mais aussi des titres spéculatifs cotés en bourse et des cryptomonnaies.
De leur côté, les banques centrales ont maintenu leurs taux directeurs à des niveaux très bas et acheté des obligations de gouvernements, ce qui a pour effet de réduire les taux d’intérêt et les coûts d’emprunt.
Tout cet argent injecté dans l’économie et dans le système financier par les gouvernements et les banques centrales doit aller quelque part. Outre l’achat de biens de consommation, il a été en bonne partie investis dans le marché boursier, l’immobilier et les cryptomonnaies. Les Américains ont en effet injecté plus de 1 trilliard dans les fonds d’actions en 2021, un record absolu. Les Canadiens ne sont pas en reste, ayant effectué des achats nets de fonds communs et de fonds négociés en bourse de plus de 160 milliards.
Les coûts d’emprunt très bas et le désir d’habiter une plus grande demeure, dans un monde ou le télétravail devient la norme, a aussi poussé le prix des maisons en forte hausse. À son tour, cette augmentation de la valeur de leur maison a engendré un sentiment de richesse chez les propriétaires qui en a sans doute incité plusieurs à consommer et investir encore plus.
Quant aux cryptomonnaies, lorsqu’un jeton non-fongible de singe blasé (Bored Ape NFT token) se vend aux enchères pour 2,5 millions USD, c’est que ça commence à chauffer!
On aimerait bien que la fête continue mais, toute bonne chose ayant une fin, les gouvernements et les banques centrales doivent commencer à sevrer l’économie de ces mesures de soutien, avant que l’inflation et les déficits budgétaires ne soient hors de contrôle.
Les banques centrales ont fait les premiers pas. Elles ont cessé d’acheter des obligations ou sont en voie de le faire. Elles prévoient aussi commencer à augmenter les taux d’intérêt en 2022.
Anticipant ces annonces, les marchés ont commencé à réagir, particulièrement les secteurs ou la surchauffe était apparente. Parmi les premières victimes de ce changement de paradigme, le fonds ARK Innovation – enfant prodigue de la pandémie, qui investit dans l’innovation perturbatrice – est en baisse de près de 50% depuis son sommet atteint en février dernier. Plus récemment, c’était au tour de Bitcoin de subir les contrecoups, ayant perdu environ le tier de sa valeur depuis le début novembre.
En 2022, on pourrait entendre parler autant de banques centrales que de coronavirus. Ça changera le mal de place!
À eux seuls, les secteurs de l’énergie et de la finance comptent pour 45% de la capitalisation de toutes les compagnies cotées à la bourse canadienne. Comme ces 2 secteurs ont fait très bonne figure, notre bourse s’est classée parmi les meilleures des pays développés en 2021 avec un rendement de 25,1%.Entièrement remis de sa crise existentielle de 2020, le pétrole a monté de 55% en 2021, à 75 USD le baril. C’est bon pour les profits des entreprises pétrolières et leurs actions en bourse. Les environnementalistes pourront se consoler, sachant que plus le pétrole est cher, plus il devient économiquement viable de développer des alternatives propres. Le secteur de l’énergie a généré un rendement de 41,8% en 2021.
Les banques ont aussi connu une excellente année, résultat de la hausse du crédit à la consommation et des hypothèques, de pertes sur prêts moins élevées que prévu et d’une bonne contribution de leurs activités dans les marchés des capitaux. Ces bons résultats leur permettent de recommencer à augmenter leur dividende annuel. Le secteur de la finance est en hausse de 32,8% en 2021.
L’or a encore démontré que la prétendue protection qu’il offre contre l’inflation n’est qu’un mythe. Le métal jaune est en baisse de 4% alors que l’inflation est à son plus haut niveau en 4 décennies. Le cours de tous les autres principaux matériaux a fortement monté en 2021, comme en témoigne la hausse de 38,5% de l’indice CRB All Commodities Index. N’eut été de la baisse de l’or, le secteur des matériaux aurait fait beaucoup mieux qu’une maigre hausse de 2,3% en 2021.
L’indice S&P 500 des actions de grande capitalisation américaines a connu un autre excellent trimestre, en hausse de 10,1%, portant la performance annuelle à 27,7%. Les meilleurs secteurs ont été l’énergie et l’immobilier en hausse de 47,7% et 42,5% respectivement, mais ils ne pèsent pas assez lourd dans l’indice pour être un facteur déterminant du rendement global.
Remise de sa sous-performance du 3e trimestre, c’est plutôt la technologie (qui constitue 29% de l’indice) qui a poussé le S&P 500 à la hausse avec un rendement de 33,4% sur l’année. Parmi les poids lourds du secteur de la technologie, le titre de Nvidia a plus que doublé en 2021, alors que Microsoft et Alphabet (Google) sont en hausse de 41% et 56% respectivement.
Cette excellente performance des principaux titres de l’indice cache cependant une réalité plus nuancée. En effet, alors que le S&P 500 voguait vers de nouveaux sommets, à la mi-décembre, 334 titres cotés à la Bourse de New York se transigeaient à leur bas des 52 dernières semaines, 2 fois plus que le nombre de titres établissant des nouveaux hauts.
Comme en 2020, les actions internationales n’ont pu suivre le rythme des actions américaines. En fait, depuis 5 ans, le rendement annuel des actions internationales a été 2 fois moins élevé que celui des actions américaines (8,4% vs 16,6% en CAD).
Inutile de chercher midi à quatorze heures pour expliquer la différence de rendement : les technos pèsent 3 fois plus lourd sur la bourse américaine (29% du marché) que sur les bourses internationales. Il n’y a pas de Microsoft ou Alphabet français!
Cela dit, les actions internationales ont quand même généré un rendement de 10,4% en CAD au cours de l’année 2021.
Ce sont les actions anglaises qui ont le plus contribué au rendement. Son économie a connu la plus forte croissance des pays du G-7 en 2021 (6,9%) et on s’attend qu’elle se maintienne en tête en 2022. La livre sterling a maintenu sa valeur face au CAD.
On ne peut en dire autant de l’Euro et du Yen qui se sont sensiblement dépréciés face au CAD, ce qui a grevé le rendement pour les investisseurs canadiens. La bourse japonaise notamment – qui pèse pour près de 25% de l’indice des bourses internationales – a vu son rendement de 13,4% en 2021 presqu’entièrement annulé par la baisse de sa devise face au CAD.
Taiwan se fait constamment intimider par la Chine qui voudrait bien prendre le contrôle de ce qu’elle considère comme une province rebelle. En attendant cependant, c’est la bourse de Taiwan qui a fait un pied de nez aux Chinois, avec une hausse de 25,1% en CAD alors que les actions chinoises perdaient 22,4%. Malheureusement pour nous, la Chine compte pour 36% de l’indice contre 14% pour Taiwan. Les actions de marchés émergents ont donc perdu 1,1% en CAD sur l’année.
Outre Taiwan, on doit mentionner la performance de la bourse indienne en 2021, en hausse de 25,2% en CAD. Les secteurs de la technologie (Infosys notamment, dont la capitalisation boursière est de 108 milliards USD), des matériaux et industriels ont généré le gros du rendement. L’Inde a connu une année record pour le nombre de compagnies introduites en bourse et a bénéficié de l’apport de capitaux étrangers quittant la Chine.
Les taux d’intérêt sur les obligations du Gouvernement du Canada échéants dans 10 ans ont légèrement baissé au cours du trimestre. À 1,43% cependant, ils demeurent à l’intérieur de la fourchette de 1,35% à 1,80% depuis le mois de mars. Cette légère baisse des taux explique le rendement de 1,5% du portefeuille obligataire sur le trimestre. Pour l’année, le rendement est de -2,5%.
L’année 2022 constituera un test pour le marché obligataire. Alors que les banques centrales cesseront leur programme d’achat d’obligations et commenceront même à vendre celles qu’elles détiennent, on verra quel est l’appétit réel chez les investisseurs – les institutions comme les individus – pour cette police d’assurance contre les mauvais jours.