Guerre et inflation
Revue trimestrielle
Revue trimestrielle
Les marchés financiers sont présentement affectés par 2 évènements majeurs.
D’une part, l’inflation se montre plus persistante et plus élevée qu’on le croyait, ce qui force la banque centrale américaine à resserrer sa politique monétaire plus rapidement que prévu, commençant par une première hausse de son taux directeur (le taux auquel elle prête aux banques américaines) de 0,25% en mars. D’autres hausses suivront d’ici la fin de l’année.
Tôt ou tard, les autres banques centrales devront réagir et hausser elles aussi leur taux directeur. Ces hausses affecteront les emprunteurs, notamment les ménages qui feront face à des paiements hypothécaires plus élevés. Cela dit, elles n’auront un impact direct sur le portefeuille que si elles entrainent une hausse des taux d’intérêt sur les obligations à plus long terme.
C’est effectivement de qu’on observe : le taux (rendement à échéance) des obligations du Gouvernement américain échéant dans 10 ans est passé de 1,5% à près de 2,5% au cours du trimestre. On observe le même phénomène au Canada. Si on se fie à l’expérience passée cependant, il se pourrait que le pire de la hausse des taux 10 ans (et donc de la baisse des obligations) soit derrière nous. On le verra plus en détails dans la section « Obligations » plus bas.
L’autre évènement majeur bien sûr est l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine. Outre les horreurs qu’elle fait subir au peuple Ukrainien, cette agression risque de perturber le commerce international et d’alimenter l’inflation. Le prix du baril de pétrole – dont la Russie est le 2e plus important exportateur au monde – est monté à plus de 110 USD au cours du trimestre pour finalement clôturer à 100 USD. De plus, la Russie et l’Ukraine représentent le quart des exportations mondiales de blé, et sont parmi les principaux producteurs et exportateurs de nickel, de cuivre et d’acier.
À court terme, la hausse des taux est un coup à encaisser pour les détenteurs d’obligations – dont la valeur au marché baisse lorsque les taux montent. En contrepartie cependant, ça permet de réinvestir les versements d’intérêt à des taux plus élevés. Et comme les cycles de hausse de taux ont la fâcheuse tendance de provoquer une récession, les obligations pourront servir de police d’assurance dans le portefeuille.
La hausse des taux et l’invasion de l’Ukraine ont aussi fait des gagnants et des perdants du côté des actions. Les investisseurs canadiens sont parmi les gagnants : les actions y sont en hausse de près de 4% depuis le début de l’année, portées par la hausse du prix du pétrole et des ressources naturelles dont le Canada regorge.
À cause de sa plus forte concentration en titres de technologie et de croissance, la bourse américaine a moins bien fait au cours du trimestre. À la mi-mars, l’indice S&P 500 était en baisse de près de 13% et l’indice NASDAQ flirtait avec le bear market (baisse de 20%). Les bourses américaines ont cependant fortement rebondi à partir de la mi-mars, le S&P 500 et NASDAQ terminant le trimestre en baisse de 5,0 et 9,1% respectivement en USD.
En hausse de 3,8%, les actions canadiennes ont offert la 2e meilleure performance (derrière l’Australie) de tous marchés développés au 1er trimestre. Il y a maintenant un bon moment que la bourse canadienne fait mieux que sa contrepartie américaine et cette surperformance semble vouloir se confirmer depuis l’invasion de l’Ukraine.
Inutile de chercher midi à quatorze heures afin d’expliquer cette surperformance : le Canada regorge des ressources naturelles – pétrole et matériaux – que la planète entière s’arrache en ce moment. L’indice CRB All Commodities des ressources est en hausse de 27% depuis le début de l’année et de 60% sur 1 an.
L’engouement pour les actions canadiennes dépassent largement nos frontières : les Américains ont injecté environ 1 milliard dans les FNB d’actions canadiennes, presqu’autant que les Canadiens eux-mêmes.
Alors que les stratèges des grandes firmes américaines et étrangères recommandent d’investir dans les commodities afin de protéger le portefeuille contre les ravages de l’inflation, les Canadiens ayant investi passivement dans leur indice boursier bénéficient d’emblée de cette protection.
L’inflation qui pointe a un effet bien différent sur la bourse américaine, dopée par la technologie. Malgré un rebond au mois de mars, les actions américaines accusent une baisse de 5,9% (en CAD) au cours du trimestre, leur premier trimestre négatif depuis le printemps 2020.
Les actions américaines sont clairement plus affectées par la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt que par la situation en Ukraine. En fait, elles sont en hausse de 5% depuis le début de l’invasion. Mis à part quelques soubresaut initiaux, les guerres n’ont généralement pas d’effet notoires sur les rendements. Malgré les horreurs de la guerre, il semble que « les affaires sont les affaires ».
L’indice NASDAQ a quant à lui connu une baisse de plus 20% par rapport à son sommet, avant de rebondir à partir de la mi-mars et terminer le trimestre en baisse de 9,1%.
Seules 2 bourses internationales ont résisté à la tendance baissière au 1er trimestre.
L’Australie – comme le Canada – est bien dotée en ressources naturelles, ce qui explique que sa bourse soit en hausse de 6,1% (en CAD) sur le trimestre.
L’autre exception est le Royaume-Uni, qui n’importe que 8% de son pétrole et gaz de la Russie et est donc épargné des risques de pénurie qui frappent présentement l’Europe continentale.
L’indice MSCI des bourses internationales est en baisse de 7,1% (en CAD) sur le trimestre.
La très sévère correction que subissent les actions chinoises a continué au premier trimestre et elles sont maintenant en baisse d’environ 50% depuis leur sommet de février 2021. Après l’assaut du gouvernement chinois contre les monopolistes dans le cadre de sa politique de « prospérité commune » et la crise dans le secteur de l’immobilier, le marché boursier subit maintenant les contrecoups du confinement drastique de certaines des plus grandes villes du pays face à une nouvelle vague de Covid-19.
Les autres pays de l’indice MSCI Emerging Markets ont connu des baisses comparables aux marchés développés au 1er trimestre. La seule exception notable est le Brésil, en hausse de 34% sur le trimestre. Ce pays – mal géré par un populiste – a encore beaucoup de rattrapage à faire cependant, puisque sa bourse n’a toujours pas retrouvé son niveau de…2008!
L’indice MSCI des marchés émergents a généré un rendement de -7,7% sur le trimestre.
Après avoir télégraphié ses intentions depuis la fin de 2021, la banque centrale américaine – Federal Reserve Bank – a commencé à resserrer la politique monétaire pour combattre l’inflation.
Certains disent qu’ayant trop tardé pour agir, la Fed a laissé l’inflation s’installer. Comme pour leur donner raison, face à une inflation plus persistante et plus élevée qu’anticipé, la Fed se voit maintenant forcée d’accélérer la hausse des taux. Elle a annoncé une hausse de 0,25% du taux des Fed Funds (celui auquel les banques américaines peuvent emprunter de la Fed) en mars, la première depuis décembre 2018. On s’attend à une hausse totale de plus de 2% en 2022, suivie par d’autres hausses en 2023.
La Fed a aussi signalé qu’elle commencerait bientôt à réduire la taille de son portefeuille d’obligations et de titres adossés à des hypothèques. Ces 2 mesures constituent un resserrement majeur de la politique monétaire dans le but d’éviter que l’inflation ne devienne hors de contrôle.
Comme on l’a vu plus haut, la hausse du taux directeur des banques centrales (qui est un taux d’intérêt à court terme) n’entraine pas nécessairement une hausse équivalente des taux d’intérêt à long terme, ceux qui affectent vraiment les investisseurs.
La Fed a en effet entrepris 4 cycles de resserrement de sa politique monétaire – hausse de taux – au cours des 30 dernières années. Comme le montre le tableau 1, bien que la hausse moyenne des Fed Funds ait été de 2,81%, les taux sur les obligations 10 ans eux n’ont augmenté que de 0,34%. En 2004-2006, les taux 10 ans avaient en fait diminué de 0,77%, les investisseurs anticipant une récession. L’histoire leur a donné raison.
C’est cette crainte que le resserrement de la politique monétaire provoque une récession qui fait en sorte que les taux 10 ans montent moins rapidement que les taux à court terme : de nombreux investisseurs achètent des obligations comme police d’assurance.
Pour notre part, nous conservons les obligations que nous détenons en portefeuille. Leur valeur au marché a certes baissé mais les versements d’intérêt demeurent inchangés. En plus, on peut réinvestir ces versements d’intérêt ainsi que le capital provenant d’obligations venant à échéance à des taux plus élevés.