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Inflation quand tu nous tiens (3)

Revue trimestrielle

Richard Morin

William Poulin

Mise à jour :
12
October
2023
Mise à jour :
October 12, 2023

Lors d’une conférence annuelle du CFA Institute dans les années 90, un des conférenciers mentionnait que si sa boule de cristal économique lui permettait de prédire une seule chose, il choisirait l’inflation.

En effet, l’inflation – ou plus précisément l’anticipation d’inflation de la part des investisseurs – a un impact direct sur le cours des 2 grands actifs qui constituent le portefeuille équilibré : les obligations et les actions. Pour les obligations, la relation de cause à effet est plutôt simple : les investisseurs accepteront de payer moins cher une obligation échéant dans 10 ans s’ils anticipent que l’inflation aura grugé une partie importante du capital à l’échéance.

L’impact de l’inflation sur le rendement des grands indices boursiers est moins direct, mais quand même fondamental. Les données empiriques montrent en effet que les actions ont tendance à générer de meilleurs rendements réels (après inflation) lorsque le taux d’inflation est sous contrôle – généralement entre 2 et 3%.

Les actions de type croissance (notamment la technologie) sont plus sensibles à l’inflation – et aux hausses de taux d’intérêt qu’elle entraine – puisque l’inflation érode la valeur actuelle des profits futurs de l’entreprise sur lesquelles sa valeur en bourse repose. Un tient vaut mieux que 2 tu l’auras !

Lorsqu’on analyse le rendement des actions et des obligations depuis le début de 2022 sous cet angle, on peut très bien voir l’évolution des anticipations d’inflation des investisseurs.

L’inflation n’est pas transitoire!

C’est en effet au premier trimestre de 2022 qu’on a définitivement enterré la notion que la poussée d’inflation qu’on vivait ne serait que « transitoire » et qu’elle se dissiperait en même temps que les problèmes de la chaine d’approvisionnement (souvenez-vous des ruptures de stock et des énormes goulots d’étranglement aux principaux ports maritimes!).

On a alors compris que la lutte contre l’inflation serait longue et ardue et qu’elle nécessiterait une hausse marquée des taux d’intérêt par les banques centrales, pouvant mener à une récession. En un mot, les anticipations d’inflation ont changé et les obligations ainsi que les titres de croissance en ont immédiatement subi les contrecoups. C’est ce qui explique le mauvais rendement du portefeuille équilibré en 2022 : les actions et les obligations ont descendu en tandem.

L’espoir d’un soft landing

La période de l’automne 2022 à l’été 2023 a été caractérisée par l’espoir que les banques centrales allaient réussir à vaincre l’inflation – en haussant les taux d’intérêt – sans infliger trop de dommage à l’économie et surtout, en évitant de provoquer une récession. C’est ce qu’on appelle un soft landing. Les actions avaient le vent dans les voiles et l’indice S&P 500 a connu une hausse d’environ 27% au cours de cette période.

Le taux des obligations 10 ans américaines a aussi baissé jusqu’à environ 3,2% en avril dernier, à cause notamment d’anticipations moins élevées d’inflation.

Le problème avec le soft landing est qu’on le prédit souvent, mais qu’il se produit très rarement, comme le montre le graphique plus bas.

Espoir déçu?

Les premières fissures dans le plus récent scénario de soft landing sont apparues au printemps 2023. Les signes que l’inflation est plus persistante qu’on l’espérait s’accumulent depuis. La guerre en Ukraine, la hausse du prix du pétrole et le fractionnement de la chaine de production – sur fond de guerre économique entre les États-Unis et la Chine – sont autant de facteurs qui pourraient compliquer la tâche des banques centrales dans la lutte contre l’inflation.

Comme c’est généralement le cas, le marché obligataire a été le premier à réagir. Les taux 10 ans sont repartis à la hausse pour atteindre plus de 4,5% au 3e trimestre. D’autres facteurs sont en jeu – comme le gigantesque déficit fiscal et la menace d’un nième shut down de l’état américain et le déclassement de la dette américaine par une agence de notation – mais l’augmentation des taux 10 ans est en bonne partie causée par la hausse des anticipations d’inflation.

Les actions canadiennes et américaines quant à elles sont en baisse de près de 7% depuis leur sommet du 31 juillet, ce qui pourrait indiquer des craintes accrues de récession de la part des investisseurs.

Si les espoirs d’un soft landing sont une fois de plus déçus et que la planète économique connait une récession, on sera heureux d’avoir conservé les obligations qui nous ont tant fait souffrir depuis2022 puisqu’elles protègeront en partie la valeur du portefeuille.

Revue des marchés

Classes d'actifsRendement en C$
3e trim.AÀD
Obligations canadiennes-3,9%-1,5%
Actions
- Canadiennes-2,2%3,4%
- Américaines-1,1%13,1%
- Internationales (EAFE)-1,6%6,4%
- Marchés émergents0,0%3,2%

Actions canadiennes : la remontée du pétrole

La bourse canadienne a clôturé le trimestre en baisse de 2,2%, en dépit d’excellents rendements des compagnies pétrolières.

Le prix du baril de pétrole a augmenté de 29% au cours du trimestre, mettant ainsi un terme à sa baisse amorcée à l’été 2022. Cette hausse survient à la suite de l’annonce, par l’Arabie-Saoudite et la Russie, qu’elles prolongeront leurs réductions de production jusqu’à la fin de l’année. Le secteur de l’énergie en a bénéficié, clôturant le trimestre en hausse de 8,9%.

Malgré une baisse de 7,6% au cours du trimestre, le secteur des technologies demeure le plus performant en 2023, en hausse de 36,2%. L’action de Shopify – en hausse de 57,7% depuis le début de l’année – explique à elle seule environ 2/3 de la hausse de l’indice boursier canadien. Ce n’est qu’un retour du balancier puisqu’en 2022, à l’inverse, elle avait causé à elle seule environ 2/3 de la baisse de l’indice!

La bonne performance de 13,8% du secteur de la santé est attribuable en quasi-totalité à l’entreprise de cannabis Tilray Brands (+57,6%), qui souhaite poursuivre ses acquisitions dans le domaine des breuvages alcoolisés. Cependant, ce secteur pèse trop peu pour avoir un impact notable sur le rendement de l’indice global.

SecteurRendements
S&P / TSX CompositeS&P 500
(en USD)
Énergie8,9%13,3%
Matières-4,2%-3,2%
Industrie-4,5%-3,9%
Consommation discrétionnaire-7,6%-3,7%
Biens de consommation de base-1,6%-5,9%
Soins de santé (incluant cannabis)13,8%-1,4%
Finance-3,8%1,0%
Technologie de l'information-7,6%-4,0%
Communication-13,8%3,2%
Services publics-13,0%-9,0%

Actions américaines : trop chères?

L’indice S&P 500 est en baisse de 3,3% sur le trimestre, ramenant la hausse pour l’année à 11,7%. Bien que l’économie américaine fasse preuve de résilience, l’inflation n’a pas encore été maitrisée et les taux d’intérêt resteront donc élevés plus longtemps que prévu.

Le secteur des communications a été le plus performant depuis le début de l’année, en hausse de 39,4%. Meta et Google – qui constituent à elles seules plus de la moitié du secteur – ont clôturé le trimestre en hausse respective de 4,6% et 11,0%. Leurs intégrations de l’intelligence artificielle combinée à des résultats financiers supérieurs aux attentes y sont pour causes.

Les titres du secteur de l’énergie se sont démarqués avec une hausse de 13,3%, mais, contrairement au Canada, ils composent une faible partie de l’indice (seulement 4,7% du S&P 500).

Avec les obligations qui offrent à nouveau des rendements intéressants, les titres à dividendes élevés ont perdu de leur attrait. Bien que cela ne soit pas le seul facteur expliquant leur sous-performance, les trois secteurs avec le plus haut taux de dividende – services publics, consommation de base et l’immobilier – ont affiché le pire rendement, autant sur le trimestre que pour l’année.  

Par ailleurs, pour une première fois depuis 1997, les rendements des bénéfices de l’indice du S&P 500 (exprimés par l’inverse du ratio cours/bénéfices) sont inférieurs au taux du Bon du Trésor 3 mois – signe que les actions américaines sont chères.

Actions internationales : le Japon a la cote

L’indice MSCI des bourses internationales est en baisse de 1,6% (en CAD) sur le trimestre.

Les bonnes performances des actions japonaises se sont poursuivies au cours du trimestre, en hausse de 1,9%. Elles conservent ainsi le 1er rang des bourses mondiales depuis le début de l’année, en hausse de 24,5%.  Toutefois, en tenant compte de la dépréciation du Yen de 12% face au CAD, le rendement de la bourse japonaise pour l’investisseur canadien est plutôt de 0,9% pour le trimestre et 9,9% pour l’année à date.

La bourse du Royaume-Uni, menée par le secteur de l’énergie, a été parmi les plus performantes au cours du trimestre, en hausse de 2,4%. Cependant, à l’instar du Japon, la livre Sterling s’est dépréciée, résultant en un rendement de 0,4% pour l’investisseur canadien.

Du côté de l’Europe continentale, les conséquences de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine sont encore bien présentes. La zone euro affiche une croissance économique anémique alors que l’inflation demeure encore à un niveau très élevé. L’indice MSCI Europe est en baisse de 2,5% sur le trimestre.

Marchés émergents : l’Inde se distingue

Les marchés émergents ont fait du sur-place au cours du trimestre, en dollars canadiens.

Parmi les grandes bourses émergentes, l’Inde s’est démarquée en étant la seule à offrir un rendement positif (+7,0% en CAD sur le trimestre). Les perspectives économiques continuent d’être encourageantes.

Une reprise économique bien en deçà des attentes, notamment à cause de la crise immobilière qui frappe le pays et des tensions commerciales avec les États-Unis continuent d’affecter les actions chinoises, en baisse de 2,1% sur le trimestre.

Le ralentissement économique en Chine a affecté la Corée du Sud et Taiwan. Leurs bourses sont en baisse de 3,2% et 2,5%, respectivement pour le trimestre.

Obligations : les taux continuent de monter

Disons-le d’emblée : la performance des obligations depuis le printemps 2022 a de quoi tester la patience de même le plus discipliné des investisseurs.

Après un rendement d’environ -12% en 2022, on aurait pu penser que le pire était derrière nous lorsque le taux (rendement à échéance) sur les obligations américaines échéant dans 10 ans est redescendu à environ 3,3% au printemps. Malheureusement, la lutte contre l’inflation s’avérant plus ardue que le marché le prévoyait à l’époque, le rendement à échéance des obligations 10 ans (qui reflète les anticipations d’inflation) est remonté à 4,6% au 30 septembre et le rendement pour l’année à date est négatif, à -1,5%. Au Canada, le rendement à échéance des obligations 10 ans est de 4,0%.

Malgré tout, il est important de ne pas lancer la serviette sur nos obligations. Lorsque le ralentissement économique surviendra, ce sont ces mêmes obligations qui protégeront la valeur du portefeuille équilibré. En attendant, on se console en se disant qu’on peut investir nos contributions à notre portefeuille aux taux les plus élevés depuis 2007.

Obligations Canada 10 ans Rendement à échéance

Obligations Canada 10 ans Rendement à échéance