Le Japon et votre retraite
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Plus tôt cette année, la bourse japonaise est finalement retournée au sommet qu’elle avait atteint en 1989, avant l’éclatement de la bulle spéculative dans les actions et l’immobilier. Les pauvres investisseurs japonais ont subi une baisse de 80% – de 1989 à 2001 – et ont dû attendre 35 ans pour recouvrer leur capital investi! Peut-on imaginer l’impact sur les malheureux japonais qui ont pris leur retraite à la fin des années 80, planifiant vivre de leurs placements?
Pour en avoir une idée, j’ai récemment repris contact avec mon vieil ami Ando San. Ando a 95 ans et toute sa tête (les Japonais vivent longtemps!). Il a pris sa retraite en 1989, à l’âge de 60 ans, avec un portefeuille d’une valeur de 1 million de dollars, dont il planifiait tirer un revenu avant impôt de 36 000$ par année, indexé à chaque année pour tenir compte de l’inflation, pour compléter sa pension de vieillesse. Sans vouloir tourner le fer dans la plaie, je lui ai demandé comment s’est passée sa retraite depuis 35 ans.
Très bien m’a-t-il répondu!
D’abord, Ando a précisé qu’en incluant les dividendes, le portefeuille d’actions japonaises a retrouvé sa valeur bien avant cette année. En fait, c’est arrivé plutôt en 2020. C’est déjà un peu mieux. Cependant, un calcul rapide indique que – compte tenu de la baisse drastique de la valeur du portefeuille d’actions au début des années 90 et de ses retraits réguliers – il aurait manqué d’argent en 2002, même en tenant compte des dividendes.
Mais voilà, Ando est un investisseur prudent qui a suivi les recommandations de son conseiller financier et investi 60 % de son portefeuille en obligations et 40 % en actions. À l’époque, investir dans les obligations au Japon relevait de l’acte de foi. En effet, elles avaient connu de très mauvaises performances les années précédentes parce que la banque centrale avait augmenté les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. Qu’à cela ne tienne, discipliné, Ando avait continué à acheter des obligations lorsque leur cours avait baissé, afin d’atteindre sa cible de 60% dans son portefeuille au moment de la retraite.
Grand bien lui en a pris puisque – au moment même où la bulle spéculative éclatait et les actions entamaient leur longue baisse – les obligations japonaises ont largement bénéficié de la baisse séculaire des taux d’intérêt au Japon depuis 1989. Chaque année, il a donc vendu quelques obligations – dont la valeur avait considérablement augmenté – pour assurer son revenu de retraite. Il en a aussi profité pour acheter des actions dont les cours avaient descendu, afin de maintenir sa pondération de 60% en obligations et 40% en actions. Grâce à son portefeuille équilibré, Ando a réalisé un rendement annualisé de 2,7% de 1989 à 2024, ce qui lui a permis d’en tirer un revenu annuel avant impôts de 36 000$, indexé à l’inflation. En fait, son portefeuille vaut encore aujourd’hui 334 570$.
J’ai demandé à Ando San quels conseils il donnerait aux investisseurs actuellement à la veille ou à l’aube de la retraite. Sa réponse : prudence, discipline et patience sont les clés du succès. Bien entendu, le succès résulte aussi d’une bonne stratégie de placement, basée sur la diversification et l’équilibre.
Même en détenant l’ensemble des titres cotés à notre bourse, le niveau de diversification est insuffisant pour bien gérer le risque. C’est particulièrement vrai pour la bourse canadienne qui est fortement concentrée dans les secteurs de la finance, du pétrole et des ressources, ou de la bourse américaine qui est dominée par la technologie et les communications.
En ajoutant des actions étrangères à son portefeuille, Ando San aurait épuisé ses placements en 2008, plutôt qu’en 2002. La diversification est donc utile mais généralement insuffisante pour protéger le capital et assurer un revenu régulier. On doit donc équilibrer le portefeuille avec des obligations.
C’est ajoutant une bonne dose d’obligations à son portefeuille que notre ami Ando a pu atteindre ses objectifs financiers et s’assurer une retraite confortable. Remarquez qu’un portefeuille d’actions et d’obligations japonaises aurait été insuffisant, il doit aussi détenir des actions étrangères.
Certains trouveront que 60% d’obligations dans un portefeuille c’est beaucoup, même pour un retraité. N’oublions pas cependant que le taux des obligations japonaises était d’environ 5% à l’époque et que les actions se transigeaient à 60 fois les bénéfices. Dans un tel contexte, il est tout-à-fait raisonnable d’investir 60% de son portefeuille en obligations.
De sages conseils de notre ami Ando San. Son portefeuille continue de générer les revenus dont il aura besoin pendant les belles années de bonheur qui lui restent!