Momentum
Revue trimestrielle
Revue trimestrielle
Le momentum est un des phénomènes les plus puissants et persistants sur les marchés financiers. Les titres dont le cours a le plus augmenté depuis quelques mois ont tendance à continuer de surperformer dans les mois suivants. Il arrive fréquemment que le momentum s’empare d’un secteur entier de la bourse.
Le momentum ne devrait pas exister puisque – en théorie du moins – le marché est efficace et évalue toujours un titre à sa juste valeur, en tenant compte de toute l’information disponible.
En pratique cependant, le marché – par marché, on entend l’ensemble des investisseurs – tarde quelques fois à comprendre l’importance d’un changement, tel qu’une innovation technologique. C’est ce qui explique, par exemple, que malgré sa position de leader de l’industrie à laquelle elle a donné naissance et son fort potentiel de croissance1, les actions de Tesla ont mis 2 ans après le lancement du modèle 3 avant d’atteindre leur sommet, en 2021. Le marché refusait simplement de croire les prédictions de croissance d’Elon Musk.
On observe peut-être en ce moment un phénomène similaire avec les titres de technologie et, possiblement, plusieurs autres secteurs de la bourse.
On peut en effet imaginer un monde où le pouvoir innovateur et transformateur de l’intelligence artificielle – mu par une énergie solaire abondante et à faible coût – pousse la productivité et les profits des entreprises cotées en bourse à la hausse pendant encore de longues années. Un tel scénario – qu’une majorité d’investisseurs auraient sans doute trouvé peu probable, voire farfelu il y a 2 ans – fait de plus en plus d’adeptes dans les marchés. C’est ce qui explique la hausse inexorable des secteurs boursiers perçus comme bénéficiant le plus de ce scénario, malgré que les analystes tardent à ajuster leurs projections de profits. En fait, les analystes sont généralement à la traine lorsque le momentum s’empare du marché.
L’armée d’investisseurs – individus et institutions – qui favorisent les titres en vogue mise sur le momentum et surfe en quelque sorte sur une vague.
Tous les surfeurs vous le diront cependant : toutes les vagues finissent par casser et il faut savoir en sortir avant qu’elle ne vous broie contre le récif. Il en va de même dans les marchés financiers. Après avoir tardé à réagir à une nouvelle, les investisseurs finissent par tomber dans l’excès inverse et pousser le cours des titres trop haut. Lorsque les profits de ces entreprises finissent par décevoir les attentes devenues irréalistes des investisseurs, on observe un retour du pendule et ces titres sous-performent le reste du marché – la vague casse. On peut dire que la vague Tesla a cassé en novembre 2021, et ses actions ont connu depuis la pire performance des principaux titres du S&P500.
Alors, après une hausse de 1000% de Nvidia et de 115% du secteur technologique depuis octobre 2022, est-il temps de sortir de la vague et de passer à autre chose?
Bien malin celui qui le sait. D’abord, qu’un titre ou un secteur de la bourse ait beaucoup monté ne veut pas nécessairement dire qu’il est devenu trop cher. Par ailleurs, même après avoir atteint leur « pleine valeur » - ce que personne ne peut vraiment déterminer a priori – on sait que les titres qui ont du momentum pourront continuer de monter longtemps. Parlez-en à l’ancien président de la Federal Reserve, Alan Greenspan, qui a inventé le terme irrational exuberance en 1996 pour décrire le comportement de la bourse, et particulièrement du secteur de la technologie. Le marché a continué de monter de plus de 130% après sa remarque, jusqu’à ce que la vague casse finalement au début de l’année 2000.
Ce qui pose un dilemme pour les investisseurs momentum n’a cependant aucune raison d’inquiéter la majorité d’entre nous qui avons un portefeuille diversifié et équilibré.
Pour reprendre notre analogie maritime, si l’investisseur momentum est sur une planche de surf, l’investisseur diversifié et équilibré navigue plutôt sur un paquebot. La vague de 3 mètres qui envoie le surfeur par le fond en cassant sera à peine ressentie par le passager du paquebot qui déguste son pina colada sur le pont.
Lorsque la vague cassera, les investisseurs momentum se rueront vers la sortie afin de limiter leurs pertes, entrainant sans doute l’ensemble du marché à la baisse. L’investisseur équilibré, s’il est bien conseillé, prendra plutôt avantage de cette baisse pour acheter des actions, en vendant quelques obligations qui auront probablement pris de la valeur dans la tourmente.
Bon voyage!
Les actions canadiennes ont terminé le deuxième trimestre en baisse de 0,5%, ce qui a porté leur rendement au premier semestre à 6,1%. La Banque du Canada est la première banque centrale du G7 à avoir réduit son taux directeur, avec une baisse de 0,25 % en début juin.
À l’opposé de la bourse américaine, le secteur de la technologie (-5,6%) a tiré le rendement des actions canadiennes à la baisse. Cette baisse est principalement due à Shopify, qui représente plus de 40% du secteur. Les conditions économiques difficiles ont amené la plateforme de commerce électronique à réviser ses prévisions de ventes à la baisse pour le deuxième trimestre, entraînant une diminution de 13,9% de son titre au cours de la période.
Le secteur financier a enregistré une baisse de 2,2% ce trimestre. Les performances de la Banque Royale (+6,6%) ont partiellement compensé les difficultés rencontrées par d'autres acteurs comme la Banque de Montréal et la Banque de la Nouvelle-Écosse, dont les actions ont chuté respectivement de 13,2% et 10,7%. Les provisions pour pertes sur prêts ont continué d'augmenter de manière significative, signalant une détérioration de la qualité du crédit. Cela dit, si la baisse de taux d'intérêt continue, cela pourrait diminuer le fardeau sur les emprunteurs. Par ailleurs, la Banque Nationale a annoncé l’acquisition de la Canadian Western Bank pour 5 milliards de dollars et a vu son titre baisser de 7,8% depuis l’annonce.
Le secteur des matériaux a été le plus performant tant au cours du trimestre (+6,9%) qu’au cours du premier semestre de l’année (+12,6%). Bien que les entreprises dans l’industrie de l’or et du cuivre aient connu un bon trimestre, c’est l’argent qui retient l’attention, en hausse de 23,8%. L'essor du secteur de l'énergie solaire a fait grimper en flèche la demande d'argent, qui est nécessaire en grandes quantités pour fabriquer les panneaux photovoltaïques.
Bombardier a enregistré le meilleur rendement de l'indice, en hausse de 50,9% sur le trimestre, grâce à ses efforts pour réduire sa dette et se concentrer sur ses produits les plus rentables. Cependant, le secteur des industries est en baisse de 3,6%, principalement en raison de la sous-performance du Canadien Pacifique (-9,8%) et du Canadien National (-9,4%), qui représentent à eux seuls près de 50% du secteur.
Les actions américaines ont poursuivi leur bonne performance, avec une hausse en dollars canadiens de 5,5% sur le trimestre et 19,5% pour l’année à date.
La hausse de l'indice est entièrement attribuable à la performance du secteur technologique, qui a augmenté de 13,6% au cours du trimestre, bénéficiant de l’intérêt accru pour l'intelligence artificielle. L’emblème de cet engouement pour l’IA, Nvidia, a connu un autre excellent trimestre, en hausse de 36,7%. L’entreprise est devenue brièvement la première capitalisation mondiale en bourse, dépassant Apple et Microsoft, avant de retomber à la troisième position. Par ailleurs, Apple a annoncé un partenariat avec OpenAI pour intégrer ChatGPT à son assistant vocal Siri. Depuis cette annonce, l'action a grimpé de 9,1%, clôturant le trimestre en hausse de 22,8%.
La reprise des titres technologiques après leur correction en 2022 a considérablement augmenté leur part dans l'indice, à presque un tiers. C'est la première fois que ce secteur atteint une telle proportion depuis l'éclatement de la bulle technologique.
Les actions internationales des pays développés ont généré un rendement de 0,7% en dollars canadiens lors du second trimestre.
La dépréciation du yen est habituellement positive pour le marché boursier japonais, puisqu’elle favorise les exportations. Cependant, après une baisse de près de 30% au cours des trois dernières années, des inquiétudes commencent à se manifester. La faiblesse du yen entraîne une hausse des coûts des importations et, par conséquent, de l'inflation, ce qui pourrait obliger la banque centrale japonaise à augmenter les taux d'intérêt. Les actions japonaises ont augmenté de 1,4% (-3,5% en CAD) sur le trimestre et de 19,6% (8,8% en CAD) depuis le début de l'année.
Les élections américaines promettent d'apporter leur lot de divertissement dans les mois à venir, mais la politique française ne manque pas d'intérêt non plus. Face à la montée de l'extrême droite, le président Emmanuel Macron a décidé de convoquer des élections anticipées cet été, quelques semaines avant le début des Jeux olympiques de Paris. L'incertitude générée par cette campagne électorale surprise explique en partie la baisse des actions françaises de 6,8% sur le trimestre.
Ce sont les bonnes performances de la bourse du Royaume-Uni (+3,4%) et de la Suisse (+2,6%) qui ont permis aux actions internationales de clôturer le trimestre en hausse. Bien que sa pondération dans l'indice soit moins significative, le Danemark – leader des bourses des pays développés depuis le début de l'année – s’est démarqué, en hausse de 27,2% au premier semestre. Cette augmentation est entièrement attribuable à l'entreprise pharmaceutique Novo Nordisk, qui peine à répondre à la demande croissante pour ses médicaments pour le traitement du diabète de type 2 et de l'obésité.
L'indice MSCI Emerging Markets a enregistré un rendement de 6,3% (en CAD) au deuxième trimestre 2024.
Taïwan se distingue avec un rendement de 15,0% au deuxième trimestre 2024. Cette performance peut être attribuée à la forte croissance de son secteur technologique, soutenue par la demande mondiale de semi-conducteurs et autres technologies avancées. Les actions de Taiwan Semiconductor (TSMC), qui fabrique les puces les plus avancées au monde pour des sociétés de conception telles qu'Apple et Nvidia, sont en hausse de 24,0%. TSMC a annoncé son intention de construire une troisième usine de fabrication en Arizona afin d'assurer la production de semi-conducteurs de pointe aux États-Unis et de mieux soutenir ses clients américains. Nvidia cherche également à accroître ses investissements à Taïwan.
L'Inde a également connu une hausse de 12,0%. Les réformes économiques et les investissements dans les infrastructures commencent à porter leurs fruits. JPMorgan a décidé d'inclure l'Inde dans son indice mondial diversifié des marchés émergents à partir de juin 2024, ce qui pourrait entraîner des flux importants sur le marché. L'Inde a également pris des mesures pour améliorer l'accès des investisseurs étrangers à ses marchés de capitaux, notamment par une numérisation rapide et une réforme des politiques.
La Chine, qui représente plus de 22% de l'indice des marchés émergents, fait face à des obstacles en raison des tensions géopolitiques, de la faiblesse des perspectives de croissance et des droits de douane élevés sur les échanges commerciaux. Malgré les mesures de relance mises en place par Pékin, la performance de la Chine (6,7%) à été inférieure à celles de Taïwan et de l'Inde.
La Corée du Sud a enregistré un rendement de -2,2%. Malgré ses avancées technologiques et son économie fortement axée sur l'exportation, la Corée du Sud a été confrontée à des défis, la demande intérieure étant freinée par une inflation et des taux d’intérêt élevés.
Le portefeuille obligataire a généré un rendement de 0,9% au cours du trimestre, en baisse de 0,4% depuis le début de l’année. Principal déterminant du rendement de ce portefeuille, le taux sur les obligations canadiennes échéant dans 10 ans a fluctué dans une fourchette de 3,3% à 3,9%, pour terminer à 3,5%, en légère hausse sur le trimestre.
Deux facteurs exercent présentement une influence importante sur les taux 10 ans, l’un à la hausse et l’autre à la baisse. D’une part, la perspective d’une baisse de taux directeurs par les banques centrales et d’un éventuel ralentissement économique pousse les investisseurs à acheter les obligations, ce qui exerce une pression à la baisse sur les taux.
D’autre part, l’explosion de la dette des gouvernements au cours des dernières années – particulièrement aux États-Unis – fait craindre qu’elle devienne insoutenable. L’éventuelle élection de Donald Trump à un deuxième mandat à la présidence des États-Unis, et les réductions de taxes et d’impôts qui en résulteraient, n’a rien pour rassurer les investisseurs. Ils exigent donc un taux d’intérêt plus élevé pour compenser ce risque.
Pour le moment, le niveau de la dette des gouvernements canadien et québécois soulève moins d’inquiétude, ce qui explique en partie que les taux obligataires soient plus bas de ce côté-ci de la frontière.
Notes
[1] Bien que l’industrie moderne des véhicules électriques ait vu le jour avec Tesla, la voiture électrique a été inventée au 19e siècle, avant le moteur à combustion. Histoire de la voiture électrique : une évolution impressionnante!