Trumpworld
Revue trimestrielle
Revue trimestrielle
Qu’on le veuille ou non, nous vivons tous maintenant dans ce qu’on peut appeler « Trumpworld ». Dans ce monde – parallèle jusqu’au 20 janvier 2025 mais bien réel depuis – plusieurs piliers du monde que l’on tenait pour acquis sont maintenant menacés ou ont carrément disparus. La démocratie américaine, pax americana et l’OTAN, l’ordre économique mondial, reposant notamment sur des règles régissant le commerce international et bâties sur des décennies. Politiquement, les États-Unis se sont résolument rangés du coté de ce qu’ils appelaient eux-mêmes jusqu’à récemment l’ « axe du mal ». Le nouvel ordre mondial est basé sur une règle très simple : la loi du plus fort, militairement et économiquement.
Outre son désir d’annexer le Canada et de prendre possession du Groenland, du Canal de Panama et de la Bande de Gaza (pour en faire une riviera!), la première manifestation de Trumpworld est la guerre tarifaire « la plus stupide de l’histoire»1 . En date d’aujourd’hui, Trump a imposé (et dans quelques cas retiré et réimposé!) des tarifs à l’importation des produits chinois, de même que 25% sur l’acier et l’aluminium ainsi que sur les voitures. Ces 3 secteurs sont très importants pour l’économie canadienne, particulièrement l’automobile qui constitue 11% de nos exportations aux États-Unis et crée beaucoup d’emploi.
Du point de vue strictement économique la réponse appropriée de la part du gouvernement du Canada – outre des plaintes formelles auprès de l’Organisation du commerce mondial, dont Trump ne doit même pas connaitre l’existence – serait de ne pas répliquer. En effet, un tarif à l’importation constitue une taxe que devront supporter les entreprises et les consommateurs canadiens, au moment même où les tarifs américains (dans la mesure où ils sont maintenus) engendreront probablement une récession au Canada.
Du point de vue politique cependant, le Canada et les autres pays visés par ces attaques doivent répliquer. Nous souffrirons sans doute plus que les Américains mais ils souffriront aussi et c’est ce qui compte. On doit donc se préparer pour une guerre mondiale…tarifaire.
Une guerre tarifaire n’augure rien de bon pour l’économie, pour les profits des entreprises et leurs actions cotées en bourse. Jusqu’ici, les dommages sont plutôt limités et concentrés dans les actions américaines, particulièrement celles qui avaient le plus monté dans la foulée de l’élection de Trump. Avec un peu de chance, quelqu’un donnera un cours d’économie 101 à Trump, il reculera d’un pas et le marché boursier poussera un soupir de soulagement.
Au cas contraire cependant, si Trump persiste, l’histoire nous enseigne ce à quoi une guerre tarifaire peut mener. Loin de nous l’idée de jouer aux prophètes de malheur – et on doit se garder de tracer un parallèle simpliste entre 2 contextes différents – mais une majorité d’économistes s’entendent pour dire que la dernière grande guerre tarifaire, lancée par le président Herbert Hoover dans les années 1930, a grandement contribué à la grande dépression, qui n’a pris fin qu’avec la seconde guerre mondiale.
Comme on le mentionnait plus tôt, le dommage au portefeuille équilibré est plutôt limité. En fait, un portefeuille composé de 60% d’actions et 40% d’obligations est en hausse de 1,1% sur le trimestre et de 11,9% depuis 12 mois, avant frais.
Les actions européennes ont particulièrement bien fait et les actions canadiennes ont tenu le coup malgré l’attaque frontale de Trump.
Comme c’est leur rôle en période de turbulence, les obligations ont aidé à stabiliser le portefeuille.
Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire, malgré la guerre tarifaire, la grande dépression et la seconde guerre mondiale, le portefeuille 60-40 a généré un rendement annuel de 5.8% de 1930 à 1945. La clé bien entendu est garder la tête froide et de demeurer investi malgré les turbulences. C’est ce que nous faisons!
Le marché boursier canadien a enregistré un rendement de 1,5 % au premier trimestre 2025, malgré des signes de ralentissement de la croissance économique. Les tarifs douaniers américains ayant créé une incertitude économique, la confiance des consommateurs a chuté et les entreprises ont réduit ou reporté leurs investissements.
Les secteurs les plus performants ont été les matériaux (+19,9 %) et les services publics (3,7 %). Les secteurs les plus touchés ce trimestre sont la santé (-9,5 %), les technologies de l'information (-7,5 %), l'immobilier (-2,6 %) et l'industrie (-2,3 %).
Le secteur des matériaux a bénéficié de la hausse des prix de l'or et de la demande mondiale de métaux de transition énergétique comme le cuivre. Le secteur des services publics a enregistré de bons résultats grâce au caractère essentiel de ses services et à ses modèles de revenus réglementés..
Les actions américaines ont subi une baisse, perdant 4,4 %, alimentées par les craintes que la guerre tarifaire menée par les États-Unis contre leurs partenaires commerciaux ne ravive l'inflation et ne fasse basculer l'économie dans la récession. Les investisseurs se sont retirés des marchés des actions américains en raison de l'incertitude accrue, de l'escalade des risques tarifaires et du nouveau scepticisme quant à la domination du secteur technologique américain.
Les secteurs les plus durement touchés au cours de ce trimestre difficile ont été la consommation discrétionnaire (-14,0 %), les technologies de l'information (-12,8 %), les services de communication (-6,4 %) et l'industrie (-0,5 %).
Les magnifiques 7, qui avaient clairement bénéficié de l'élection de Donald Trump, ont connu un retournement de situation et figurent parmi les plus mauvaises performances de l'indice S&P500 depuis le jour de l'investiture, le 20 janvier, Tesla étant en tête de la baisse.
Les pressions macroéconomiques, telles que la menace de droits de douane affectant le commerce mondial, les valorisations élevées et l'incertitude quant à la pérennité des bénéfices, ont provoqué une vague de ventes massives.
Le moral des investisseurs s'est effondré et l'indice de confiance des consommateurs est tombé à 57,0 en mars 2025, son plus bas niveau depuis près de deux ans et demi..
L’indice d’incertitude de la politique économique, réagissant aux politiques économiques de Trump et aux sentiments négatifs des médias, a augmenté de 104 % d’ici mars 2025.
Les actions internationales ont généré un rendement de 6,3 % (en dollars canadiens) au premier trimestre 2025.
L'indice MSCI Europe a progressé de 10,1 % au cours du trimestre, le Royaume-Uni, la France, la Suisse, l'Allemagne, la Suède, l'Italie et l'Espagne affichant des rendements de 8,4 % (France) à 21,8 % (Espagne). La politique économique et commerciale erratique de Trump a été bénéfique pour l'Europe, de nombreux investisseurs se détournant des actions américaines pour se tourner vers les actions européennes. La perspective d'investissements massifs pour réarmer les pays européens a également soutenu les titres de défense..
L'indice MSCI des marchés émergents a enregistré une performance de 1,8 % (en dollars canadiens) au premier trimestre 2025.
Contrairement à Wall Street, le marché boursier chinois a démarré l'année 2025 sur une note positive, avec un rendement de 14,7 % au premier trimestre. Parmi les facteurs qui ont joué en faveur du marché boursier chinois, on peut citer les droits de douane américains, certes sévères, mais moins agressifs que prévu ; un regain d'optimisme quant à l'économie chinoise, la reprise de la demande intérieure et l'émergence de DeepSeek (un nouveau modèle d'intelligence artificielle open source, plus économique et plus performant que ceux connus jusqu'à présent). DeepSeek a remis en cause la domination américaine en matière d'intelligence artificielle et a marqué un tournant dans le secteur technologique.
La Corée du Sud a progressé de 4,7 %, les actions des sociétés de musique pop coréenne (K-pop) ayant enregistré des gains à deux chiffres. Les actions de K-pop ont suscité l'intérêt des investisseurs, car le secteur des médias et du divertissement n'est pas exposé au risque de droits de douane américains.
Le marché indien a enregistré une baisse de -5,1 % au premier trimestre 2025 en raison de difficultés économiques nationales, notamment de mauvaises performances des entreprises, de niveaux de valorisation élevés et de retraits continus des investisseurs institutionnels étrangers.
Le marché boursier taïwanais a reculé au premier trimestre 2025, affichant un rendement de -12,2 %, à l'image de la baisse observée aux États-Unis, les actions des secteurs des semi-conducteurs et de l'IA affichant une faible performance.
Le contexte économique a été favorable aux obligations, la croissance ayant faibli en raison des tarifs douaniers américains.
Au premier trimestre 2025, le rendement des obligations du Gouvernement canadien à 10 ans a baissé, passant de 3,23 % à 2,97 %, entraînant une hausse des cours. Cette baisse s'est produite dans un contexte de réduction de 50 pb du taux directeur du financement à un jour par la Banque du Canada (le taux directeur du financement à un jour a été ramené à 2,75 % en mars).
Au premier trimestre 2025, les obligations canadiennes ont généré un rendement total de 2,0 %. Avec un rendement à échéance de 2,97 %, les obligations du Gouvernement canadien à 10 ans sont une source de revenus stable tout en contribuant à protéger les portefeuilles dans le contexte des récentes tensions commerciales liées aux tarifs douaniers imposés par les États-Unis..
Note
[1] The Dumbest Trade War in History, Wall Street Journal, January 25, 2025.